Réunion "Barrage des Collanges"
Lundi 2/12 à 18h, le Tissage - Les Ollières

Lettre d'information n°17

Synthèse historique du barrage des Collanges et déroulement factuel des décisions et actions relatives au protocole expérimental de vidange par le SDEA

LETTRES D'INFORMATIONBARRAGE

10/28/2024

De la conception du barrage et de son usage...

Le barrage est né de la volonté de développer le territoire des Boutières. La réflexion est menée dans les années 1970, époque pendant laquelle on croit beaucoup à l’effet structurant des grands ouvrages pour développer économiquement les régions.

Ainsi, le barrage doit répondre à plusieurs usages :

  • en premier lieu, constituer une réserve d’eau agricole

  • développer le tourisme autour du Cheylard ( nautisme, immobilier touristique autour du lac),

  • produire de l'électricité,

  • dans une moindre mesure, assurer un soutien d’étiage.

L’argument de l’écrêtement des crues n’est pas pris en compte.

Entre la conception et la réalisation de l’ouvrage, s'opère un décalage de 10 ans. Le projet n’obtient son financement qu’à partir des années 80, alors même que la culture du pêcher chute (l’arrachage est subventionné depuis les années 70) et que les besoins en irrigation commencent à s’infléchir.

En préparation de la construction du barrage, en 1978, est menée l’expropriation de terrains agricoles de la vallée du Cheylard (40 ha de sols alluviaux qui seront engloutis). Les premières oppositions émanent du monde agricole qui voit là une contradiction majeure avec la raison d’être du barrage.

De 1978 à 1981, des études préalables sont réalisées. Une simple notice d’impact présente les impacts positifs économiques de l’ouvrage, peu de cas sur les impacts environnementaux et aucune mention du transit sédimentaire.

À noter, la présence d’une décharge d’ordures dans le périmètre de la future retenue d’eau et une évacuation des eaux usées de la ville et des industries directement dans l'Eyrieux.

La construction du barrage et sa mise en eau

Un arrêté préfectoral du 13/07/1977 autorise la construction de l’ouvrage à buts multiples.

En mai1980, un arrêté préfectoral conditionne la mise en eau du barrage à la réalisation du traitement des eaux usées industrielles (12 stations prévues en amont) et à l’évacuation des 40 000 tonnes d’ordures domestiques et industrielles (présence de fûts dont on ne connait ni le nombre ni le contenu).

Le Syndicat Mixte d’Équipement de l’Ardèche, pour répondre à cette condition, lance une étude de caractérisation des déchets de la décharge en vue d’en préparer l’évacuation et le traitement des plus toxiques. L’Université Claude Bernard, en charge de l’étude, alerte pour la première fois (10 juillet 1981) sur la présence de métaux lourds dans les déchets. Le coût estimé de l’évacuation et du traitement des déchets est estimé entre 1,16 et 2,2 millions de Francs.

Le SMEA commande une seconde étude au BRGM.  Le rapport du BRGM (8 juillet 1982) confirme la présence de métaux lourds (plomb, mercure, cadmium entre autres, …) et il assortit ses conclusions de réserves suivant le niveau de prise de risque et de recommandations.

Dans le cas d’une simple couverture de la décharge par un film goudron, comme il est envisagé par le SMEA, il est demandé d’assurer une surveillance de l’eau du lac et de la rivière avec des analyses régulières notamment dans la zone de la décharge.

Cette option d’enfouissement des ordures sous un film goudronné est retenue et mise en place fin 1982. Elle ne prend pas en compte l’évacuation/traitement spécifique des lixiviats (jus de décharge).

En avril 1983, la mise en eau du barrage est lancée ainsi sans attendre non plus l’assainissement des eaux usées du Cheylard et des industries environnantes (qui n’interviendra qu’en 1988 et 1997).

Le 16 mai 1983, la préfecture prend un arrêté qui interdit toute baignade et usage touristique du lac de Collanges :

« L’emprise du lac peut être de nature à porter atteinte à la sécurité et santé des usagers ».

L’arrêté n’a jamais été remis en question et est encore en vigueur aujourd’hui. Ainsi, la vocation touristique du barrage « tombe à l’eau » !

Sans assainissement adapté, la pollution du lac continue et s’accroit !

Il faut rappeler que l’Eyrieux fait transiter de Saint-Martin-de-Valamas au Cheylard, les eaux brutes non traitées des industriels de la vallée : Tanneries, bijouteries, industries chimiques, industries textiles, teintureries. Ainsi de 1983 à 1988, la retenue d’eau des Collanges a reçu pendant 6 ans, des eaux usées industrielles polluantes.

La station d’épuration intercantonale est construite en 1988, station unique (au lieu des 12 stations prévues). Cette station biologique n’a pas vocation à traiter tous types de déchets, et pourtant le SIAVD (Syndicat Intercommunal d’Assainissement de la vallée de la Dorne) signera des conventions avec les industriels de la vallée pour recevoir leurs eaux brutes.

À tel effet qu’en 1995, après 6 ans de fonctionnement, la corrosion des enduits de la station est telle qu’il faut les refaire et fermer la station pendant 3 mois (période pendant laquelle c’est à nouveau le lac qui recevra les eaux usées et effluents en direct).

Et c’est seulement en 1997 que les eaux pré-traitées des industries de bijoux de Saint-Martin-de-Valamas seront raccordées à la station d’épuration.

En synthèse, les effluents industriels non traités des industries de la vallée de la Dorne et du Cheylard ont été déversés pendant 6 ans dans la retenue des Collanges et pendant encore 8 ans ceux de Saint-Martin-de-Valamas seront évacués par l’Eyrieux dans la retenue. Ces pratiques expliquent la teneur en métaux lourds des eaux et des sédiments du lac.

Les premiers symptômes de pollution apparaissent dès 1988 avec l’eutrophisation des eaux du lac (concentration d’éléments nutritifs - nitrates et phosphates - dans les eaux) qui a pour conséquence le développement des algues. En 1992, le service de l’eau et des milieux aquatiques de la DIREN (DIrection Régionale de l'ENvironnement) révèle le caractère hyper-eutrophe de la retenue (lac le plus eutrophe de Rhône Alpes). Depuis, l’eutrophisation s’est propagée sur tout le linéaire aval de l’Eyrieux, en été.

L’ouverture de la vanne de fond et le rétablissement du transit sédimentaire

Comme tout barrage, celui des Collanges a l’obligation de laisser transiter les matériaux de la rivière (granulats : galets, graviers, sables, limons) qui sont indispensables à la vie de la rivière et fertilisent les terres agricoles des plaines en aval.

À l’origine, la vanne de fond devait permettre ce passage de sédiments. Problème, puisque la vanne de fond est restée fermée pendant 30 ans  car colmatée dans les premières années de fonctionnement du barrage. En conséquence, l’ouvrage a privé la rivière en aval des sédiments, nécessaires à son bon fonctionnement. Parallèlement, leur accumulation dans la retenue (évaluée à 1,6 millions de m³) limite le stockage d’eau actuellement évalué à 1,55 millions de m³  et réduit sa capacité de production d’électricité.

À partir de 2001, le Syndicat Départemental d’Équipement de l’Ardèche se voit dans l’obligation de rétablir le transit pour se mettre en conformité avec la loi sur l’eau. En 2013, le fonctionnement de la vanne de fond est rétabli et depuis 2014, plusieurs arrêtés préfectoraux autorisent l’ouverture de la vanne de fond en cas de crue à partir de 100 m³/s et fermeture en dessous 80 m³/s.

Hélas, il ne suffit pas d’ouvrir la vanne de fond pour rendre à la rivière 30 ans de matériaux accumulés. Et étant données les nombreuses pollutions déversées dans la retenue et la toxicité de certaines couches sédimentaires, des études s’avèrent nécessaires pour zoner et caractériser les sédiments avant de les restituer à la rivière en aval. Plusieurs scenarii sont envisagés dans le cadre du contrat de rivière Eyrieux Clair à la suite de nombreuses études et propositions auxquelles l’association BEED a largement contribué.

En 2016, ces différents scenarii sont présentés pour rétablir le transit sédimentaire en impactant le moins possible la qualité des eaux et l’équilibre des milieux aquatiques.

• SCÉNARIO 1 : adaptation de l’exploitation et ajout de vannes de fond,

• SCÉNARIO 2 : curage de la retenue, réinjection dans l’Eyrieux et évacuation ou valorisation,

• SCÉNARIO 3 : dérasement du barrage avec aménagement préalable de la retenue,

• SCÉNARIO 4 : arasement du barrage et modification de la vanne de fond.

En 2019, le cabinet d’ingénierie ANTEA est mandaté pour réaliser la caractérisation des matériaux stockés dans la retenue afin de retenir le scénario d’intervention le plus adapté. Contrairement aux données de toutes les études antérieures, le rapport final de mai 2020 conclut :

« Les mesures réalisées sur les substances à risque dans le contexte du bassin versant ne présentent pas d’enjeux significatifs au regard des concentrations observées. La présence de l’ancienne décharge ne modifie pas notablement la qualité des sédiments ».  (!!!!)

En 2022, mise en demeure du SDEA, par arrêté préfectoral du 15 décembre 2022, de rétablir le transit sédimentaire de la rivière. L’article 17 de l’arrêté précise que :

« Une solution partagée pour rétablir le transit sédimentaire devra être mise en œuvre en concertation nécessaire avec les acteurs du territoire ».

Période de 2022 à 2024 : le scénario 1 est adopté dans le cadre d’un semblant de concertation limitée seulement à la chambre d’agriculture, sans partage avec les autres acteurs du territoire. Le protocole expérimental concernant les modalités de mise en œuvre est alors élaboré puis validé par l’arrêté préfectoral du 9 août 2024.

Le 2 octobre, la décision de réaliser ce test par l’ouverture de la vanne de fond a été prise sans information préalable des acteurs de la vallée (communes, associations, riverains, …).

Le déversement des boues sur plusieurs kilomètres de rivière a provoqué la mort par asphyxie de milliers de poissons. Le constat de la catastrophe, établi le 3 octobre, a révélé dans les analyses effectuées par la fédération de pêche, le SDEA puis par le SMEC (Syndicat Mixte Eyrieux-Crussol) des taux de concentration en métaux lourds bien au-delà des limites admises.

Le 8 octobre, la vanne de fond a été ré-ouverte à deux reprises pendant près de deux heures ainsi que les 17 et 18 octobre, plus longuement, en principe dans le cadre réglementaire de l’arrêté du 15 décembre 2022 (entre 100 et 80 m³/s) mais une nouvelle fois sans information préalable des communes en aval (allant à l'encontre de l'article 13).